Population : 735.132 (47e) ; Capitale : Juneau ; Surnom : The Last Frontier ; Superficie : 1.717.854 km² (1er)
Tout d’abord si vous êtes arrivé jusqu’ici je me dois de vous féliciter. Attendez-vous à être accueillis avec une gentillesse plutôt rustique mais une curiosité rare pour les USA. L’Alaska ne voit pas beaucoup de français et vous serez surement pris pour un canadien. Il faut dire que l’Alaska ne voit tout simplement pas grand monde, littéralement. Si le sud-est de l’état est relativement fréquenté en été, certains recoins sont encore de véritable far-west où personne ne vient jamais. L’état de l’Alaska, surnommé la dernière frontière, est à la fois le plus grand (plus de trois fois la superficie de la France) et l’un des moins peuplé des USA. Comme l’état d’Hawaii il ne fait pas partie de ce que l’on appelle les Lower 48, le continent. Il faut absolument prendre l’avion, le bateau ou bien traverser le Canada en voiture avant d’atteindre cet état isolé des Etats-Unis. Et une fois atteint croyez-moi l’isolement ne fait que commencer. Le caractère puissamment sauvage de l’état fût maintes fois exploré dans les livres et les films comme le poignant Into the Wild. Cependant je ne vous conseil pas vraiment de voir ce film juste avant votre voyage vous risqueriez de perdre sérieusement en motivation !
Aucune autre région de l’Amérique du nord n’enflamme l’imagination comme le fait l’Alaska. Son nom provient d’une déformation du mot Alayeska. Cet ancien mot de la population locale des Athabascan signifie la grande terre de l’ouest. Un patronyme on ne peut plus affuté pour l’état qui, au-delà de toutes ses particularités, est surtout une terre de gigantisme. Bienvenue dans un monde à part. Un monde de champs de glace grands comme des pays, de toundras immenses, de vallées glaciaires perdues, de fjords cisaillés, de forêts pluviales sauvages et de majestueux et monstrueux volcans.
La faune, qui trouve ici l’un de ses derniers vrais refuges dans le monde quoi que l’on puisse en dire, est abondante. Ici de pachydermiques élans se baladent parfois dans le centre des villes, trainant leurs sabots pataud sur le béton des routes. Les ours de Kodiak, isolés du reste du monde, sont devenus les plus grands carnivores terrestres, pouvant mesurer plus de 3 mètres. Les meutes de loups rôdent à travers tous l’état. Les aigles chauves (bald eagle) qui ne sont en réalité pas vraiment des aigles, tournoyant au-dessus des forêts sont l’emblème des USA. Dans les rivières d’innombrables et énormes saumons se fraient un chemin à contre-courant vers leurs sources de naissance.
Deux fois plus vaste que le plus vaste des états continentaux du pays (le Texas), la taille de l’Alaska est difficile à imaginer. Concrètement si l’état se superposait aux Etats-Unis il s’étendrait des côtes de l’Atlantique à l’est jusqu’aux côtes du Pacifique à l’ouest. De New-York à Los Angeles. Le littoral de l’état est plus grand que l’ensemble des littoraux de tous les autres états additionnés. Dix-sept des vingt plus hautes montagnes du pays s’y trouvent et certaines forêts font la taille de l’Angleterre. Pour couronner le tout, l’Alaska compte le site le plus au nord, le plus à l’ouest et le plus à l’est du pays. En effet certaines des îles aléoutiennes qui forment l’extrémité ouest de l’état sont en fait derrière la ligne de changement de date et sont donc théoriquement à l’est de la terre.
Vous l’aurez compris, l’Alaska ce n’est pas une promenade à Central Park (avec tout le respect et malgré tout l’attrait que j’ai pour ce superbe parc). L’Alaska c’est une véritable aventure qui se prépare comme telle. On ne part pas en Alaska comme on irait nonchalamment se promener en forêt. La nature y est gargantuesque, monumentale et souveraine. Se perdre en Alaska n’est pas une option car certaine zone sont inhabités et sauvages, parfois sur plus de 1000 kilomètres.
L’Alaska compte à peine plus de 735.000 habitants qui occupent une infime partie du territoire. A cela il faut ajouter le fait que près de la moitié d’entre eux se concentrent dans la plus grande ville, Anchorage. Seul un cinquième de la population y est née. Parmi les autres ont trouvent de nombreux pionniers modernes dont certains ont de véritables vies d’aventuriers comme les conducteurs de camions sur glace, les ouvriers des stations de pompage de pétrole en arctique ou encore les chercheurs d’or des forêts isolées. En règle générale, et encore plus qu’ailleurs aux USA, l’identité ne vient pas du lieu où l’on est né mais en l’occurrence du nombre d’hivers que l’on a passé en Alaska. A bien des égards la dernière frontière est le miroir contemporain de l’ouest américain du 19e siècle, à l’époque de la ruée vers l’or. A l’image de ce qu’il se passait à l’époque en Californie, les pionniers ont le choix de venir chercher la fortune et la vie qu’ils souhaitent en Alaska. Cependant les populations natives, qui comptent près de 100.000 personnes, pour leur part n’ont pas la possibilité de sortir de l’état pour reprendre une vie tranquille dans une banlieue de Denver ou autre. Comme partout aux USA, les amérindiens ont été marginalisés et mis à l’écart. Au sens propre, dans des régions du fin fond du monde où le gouvernement pensait surement qu’ils se nourriraient gentiment de saumons et occasionnellement d’ours tout en construisant des cabanes en sapins. Seulement un beau jour après étude topographique le même gouvernement s’est aperçu que ces régions perdues étaient des réserves colossales de pétrole et de gaz. Aujourd’hui les amérindiens d’Alaska sont parmi les plus riches du pays.
Un voyage en Alaska est un voyage différent d’un séjour dans un autre état des USA. Je dirai même que c’est globalement comme voyager dans un autre pays. Il faut véritablement avoir un minimum l’esprit d’aventure, même si certaines destinations bien balisées restent à la portée de tout le monde. Les dangers de la nature y sont réels et en été il vous faudra un véritable plan de guerre pour ne pas être dévoré par les moustiques. Bien entendu à cela il faut rajouter le climat. Cependant on imagine souvent l’Alaska comme un infini cube de glace mais ce n’est pas le cas. Le nord du pays est effectivement arctique et à Fairbanks, la dernière grande ville avant les étendues sauvages du grand nord, le thermomètre descend régulièrement à -50° en hiver. Toutefois la majorité du sud-est de l’état est en réalité moins neigeux que New-York ou Chicago. Il y pleut beaucoup et le climat est assez similaire à celui de Seattle sur la côte nord-ouest du Pacifique. En été les températures tournent autour de 20° et à l’intérieur des terres elles peuvent dépasser les 30°. Un petit peu à l’instar d’Hawaii, l’Alaska est également une destination chère. Le logement, la nourriture et les boissons y sont plus chères en moyenne de 20% que dans les états continentaux. Toutefois ceux qui oseront s’y aventurer en hiver auront la double de récompense de voir les prix divisés de moitié et d’assister à l’un des plus beaux spectacles terrestres, les aurores boréales.
Un peu d’histoire
De tous les états américains, l’Alaska possède l’une des histoires les plus complexes et les plus passionnantes qui soit. Pour ceux qui entreprennent ce voyage d’une vie il serait dommage de ne pas s’intéresser de plus près à ce destin qui respire l’aventure… et le pétrole.
Aussi rude et inhospitalière que puisse sembler être l’Alaska, c’est en réalité la première région de toute l’Amérique (nord et sud combinées) où l’on pense que l’homme s’est installé. A une époque où le détroit de Béring n’était pas sous l’océan, des hommes seraient passés de l’actuelle Russie et auraient pour la première fois atteint le nouveau monde. On situe cet épisode il y a environ 14.000 ans. Au fils de l’histoire les hommes d’Alaska se sont scindés en quatre groupes assez différents, chacun vivant dans une région isolée jusqu’à l’arrivée des premiers européens. Les Aleut vivaient dans les îles particulièrement peu hospitalières des Aléoutiennes. Ils construisaient des maisons souterraines et chassaient les animaux qui les entouraient comme les morses. Les Athabascan, qui donneront son nom à l’Alaska, était un peuple nomade qui menait des troupeaux de caribous dans les régions de l’intérieur. Les Tlingit étaient un peuple de guerriers vivant dans les régions plus tempérées du sud-est. Ils formaient une communauté prospère, en partie grâce à l’abondance de nourriture qu’ils trouvaient dans leur région. Le dernier des grands peuples natifs de l’Alaska est de loin le plus connu. Il s’agit du peuple Yup’ik que l’on nomme plus communément, et de façon inexacte, les Eskimos. Ce peuple résidait sur la côte nord-ouest de l’Alaska, dans une région férocement sauvage et gelée. Ils se nourrissaient principalement de poissons et de mammifères marins et vivaient dans des constructions en glace, les igloos. On trouve encore aujourd’hui en Alaska des descendants de ces quatre groupes. Très peu d’entre eux vivent encore comme leurs ancêtres et l’écrasante majorité ont été assimilés dans l’Amérique moderne, principalement par le biais de la religion et des conquêtes.
Toutefois avant de devenir l’Amérique moderne, l’Alaska fût découverte par les européens en 1741. C’est un explorateur danois du nom de Vitus Bering qui y mit le pied pour la première fois. Le nom de Bering n’est pas inconnu aujourd’hui puisqu’il a laissé son nom au détroit séparant l’Alaska de la Russie. Missionné par le Tsar de Russie, notre cher Vitus n’est pas mécontent de découvrir sur cette nouvelle terre une population abondante d’otaries et de loutres, dont les peaux et les fourrures sont déjà très appréciées à Moscou (où le sens de la mode hivernale est déjà à la pointe). Rapidement les russes sont rejoints par les britanniques et les espagnols qui envoient de nombreux trappeurs. Les animaux sont massacrés et les Aleuts, l’une des populations indigènes, est réduite en grande partie à l’esclavage, contrainte de chasser pour le compte des marchands de fourrure. A la fin du 18e siècle les russes sont particulièrement bien établis en Alaska. Ils y ont installé leur capitale dans l’actuelle ville de Sitka et explorent la région jusqu’en Californie à la recherche de colonies d’animaux. Il ne faut pas être un génie en histoire pour se rendre compte qu’un jour ou l’autre l’obsession russe pour les loutres et les otaries en vue d’en faire des doudounes et des chapeaux n’allait pas les mener économiquement très loin. Effectivement en 1867 la Russie décide de vendre l’Alaska aux américains. Totalement obnubilé par leur chasse aux animaux, les russes n’auront laissé paradoxalement que très peu d’empreintes historiques ou culturelles dans la région. Les loutres, elles, par contre s’en souviennent… En Octobre 1867 le Secrétaire d’Etat William Seward achète donc l’Alaska aux russes pour 7,2 millions de dollars. Cela représente à peine 4 cents par hectare mais c’est un achat qui laisse tout le monde très dubitatif à l’époque et qui est surnommé la Folie de Seward. Les mauvaises langues auraient dû s’en douter, en général aux USA lorsqu’une terre est achetée pour trois fois rien ça sent la bonne affaire (souvenez-vous des hollandais qui ont acheté Manhattan contre quelques objets inutiles). Banco ! A l’affreuse stupéfaction des russes, et probablement à la jubilation de William Seward, on découvre à peine 13 ans plus tard que l’Alaska n’est qu’une immense mine d’or. Les pionniers affluent avec dans leur sillage des compagnies de pêche et de construction. Le business qui commence à prospérer dans ce recoin perdu gagne l’intérêt de Washington qui en 1959 proclame l’Alaska le 49e état des USA (quelques temps avant Hawaii, qui reste à ce jour le 50e et dernier état américain avant que peut-être un jour Puerto Rico ne lui succède et devienne le 51e).
Non content d’y trouver de l’or, on découvre également du pétrole sur les côtes nord de l’état. De nouveaux pionniers s’installent en Alaska. Dans les années 1970 ils sont payés des fortunes pour construire le trans-Alaska Pipeline chargé de faire voyager le pétrole et les gazes des régions arctiques jusqu’aux ports dégelés du sud. Un tournant historique pour l’Alaska dont l’économie repose aujourd’hui aux deux-tiers sur ces matières. Chaque année les habitants de l’état, probablement en récompense d’avoir enduré un hiver misérable, se voit allouer des dividendes par l’industrie pétrolière. Ce bonus dépend des années mais tourne généralement autour des 2000$. Dans un état à l’économie encore jeune et marquée par des cycles explosifs, le pétrole est à la fois vital et destructeur. Les régions naturelles protégées sont sans cesses sous la pression des compagnies pétrolières et de certains politiciens qui préféreraient y voir des puits de pétroles plutôt que des ours. D’un point de vue extérieur l’équation est vite résolue mais du point de vue des locaux l’idée d’exploiter une petite partie de leur immense territoire pour des bonus pétroliers plus importants est évidemment attractive.
Les régions de l’état
Immense mais peu peuplée, l’Alaska est composée de cinq grandes régions. Toutefois même pour le voyageur quelque peu aventurier, il est fort probable que la découverte se limite au sud. L’Alaska intérieure est un univers rude et peu visité. La région arctique, gelée, est évidemment hors des limites d’une absolue majorité des visiteurs.
Sud-Est : principale région touristique de l’état, le sud-est est une région d’îles qui se découvrent en bateau et compte peu de routes. On y trouve la capitale de l’état, Juneau, ainsi que quelques-uns de ses principaux sites comme l’ancienne capitale russe de Sitka, l’ancienne ville minière de Skagway ou le magnifique parc naturel de Glacier Bay.
South Central : c’est dans cette région et la ville d’Anchorage et son agglomération que réside plus de la moitié de la population de l’Alaska. C’est la seule véritable ville digne de ce nom à des milliers de kilomètres à la ronde. Toutefois si c’est aujourd’hui le visage le plus américain de l’Alaska, la nature n’est jamais très loin. A quelques kilomètres d’Anchorage elle reprend ses droits dans les fjords de Kenai ou le parc national de Wrangell avec ses immenses glaciers et ses hautes montagnes à perte de vue.
Sud-Ouest : région particulière et sauvage, le sud-ouest de l’Alaska est marqué par l’archipel du bout du monde des îles aléoutiennes. Certaines de ces îles sont à 24 fuseaux horaires du reste de l’état et plus proche de la Russie que du reste des Etats-Unis. D’autres îles de la région, les Kodiaks, abritent les plus grands carnivores du monde, les ours Kodiaks. La rencontre avec le plus grand prédateur terrestre est au-moins aussi impressionnante si ce n’est plus que la rencontre avec les grands fauves africains.
Alaska intérieure : centrée autour de la ville de Fairbanks, l’Alaska intérieure possède déjà le visage polaire du cercle arctique. L’attraction majeure est la visite du parc national de Denali qui abrite une vie sauvage abondante (ours, loups, élans) et le mont McKinley, la plus haute montagne d’Amérique du Nod.
La région arctique : également appelé Far North Alaska, la région arctique de l’état en est le cliché parfait. Glacée, déserte, sauvage et violente, voici l’Alaska dans sa version polaire. Le spectacle incroyable des aurores boréales est certainement la plus belle récompense d’un voyage vers l’océan arctique. Découvrir la région est un voyage qui se prépare longtemps à l’avance et avec précaution. Toutefois pour ceux qui le réaliseront c’est la promesse d’une nature absolue et infinie à la découverte entre autre des dunes polaires et des forêts boréales de la vallée de Kobuk.